Épuisé mais heureux, c’est ainsi que s’est présenté Fred Duval pour l’entretien qu’il a accordé à Perluète. Deux états combinés dans une année 2019 extrêmement riche pour l’auteur de BD, entre de nombreuses publications et une reconnaissance encore accrue par le succès de l’adaptation des Nymphéas noirs.
Disert et enthousiaste, il revient sur sa carrière, ses projets et l’état d’une profession en perpétuelle mutation, sur laquelle il veille attentivement.
fred duval
© Chloé Vollmer-Lo
Votre année 2019 va être difficile à résumer. Vous avez publié beaucoup d’ouvrages et certains ont été particulièrement remarqués…

L’année a été très riche. J’ai sorti neuf albums, dont trois seulement sur les deux dernières semaines (en septembre-octobre – NDLR). Il y a eu la poursuite de séries comme Travis ou Carmen McCallum et des nouveautés avec Nevada ou l’adaptation des Nymphéas noirs, qui a bénéficié d’une mise en lumière à laquelle je ne suis pas habitué. En 25 ans de carrière, j’ai vendu 2,6 millions d’albums et je suis connu des amateurs de BD. Mais c’est la première fois que la médiatisation atteint un tel niveau. Je crois que c’est un succès à plusieurs strates : il y a la renommée de l’œuvre originale de Michel Bussi, la réputation de la collection « Aire libre » de Dupuis, le prix Éléphant d’or au festival de Chambéry... Et puis, bien sûr, la qualité du dessin de Didier Cassegrain, qui est à l’origine de tout !

Depuis 1994, vous avez publié un nombre impressionnant d’albums, dans des genres variés et avec une foule d’illustrateurs. D’où vient cette envie de création ?

À ce jour, j’ai effectivement signé 142 albums, c’est un bon rythme. J’ai eu la chance au début de ma carrière d’être incité par Cailleteau et Vatine, les auteurs d’Aquablue – normands eux aussi – à faire un scénario. C’est devenu le western 500 fusils, déjà un scénario tourné vers le genre. Dans la foulée, la série Carmen McCallum a tout de suite plu à un public fan de série B. À l’époque, j’hésitais entre le journalisme et la BD. On peut dire que ça m’a décidé ! J’ai eu également la chance de pouvoir généralement travailler avec des dessinateurs qui avaient la même vision que moi sur les histoires, c’est décisif dans le processus de création.

Même quand ils se situent dans un univers de fantasy, vos scénarios tissent un parallèle avec le monde actuel.

On écrit sur le monde dans lequel on vit. Dès les premiers Travis, j’ai tenu à aborder la question de l’écologie. C’est devenu le sujet principal de la série Renaissance, dont le second volet vient de sortir. Ce que j’aime, c’est me documenter sur un sujet au moment de le traiter, ça me vient de mes études d’histoire. Dans mes BD, j’essaie de ménager autant l’action que la réflexion, de mêler l’imaginaire à des préoccupations plus réalistes et universelles.

"On écrit sur le monde dans lequel on vit"

Le ministère de la Culture a présenté 2020 comme « Année nationale de la BD ». Qu’est-ce que cela vous inspire ?

L’initiative est bonne, c’est certain. J’espère que ça ira au-delà de quelques expositions... Je voudrais que 2020 soit l’année des auteurs de BD ! L’étude menée en 2016 pour les États généraux de la bande dessinée a montré que sur 2 000 auteurs, la moitié vivait en dessous du Smic, et que la moitié des femmes dans ce milieu vivent aussi en dessous du seuil de pauvreté. C’est une photographie sociale qui donne une idée d’actions basiques à mettre en place pour protéger les auteurs. J’aimerais que cette année de la BD serve surtout à montrer l’ampleur du travail fourni par les auteurs pour aboutir à un album. De mon côté, j’ai été très aidé par mes pairs à mes débuts. Je n’oublie pas cela et je prône la solidarité au sein de la profession.

Propos recueillis par Laurent Cuillier

Bio express

Né à Rouen, le scénariste de bandes dessinées Fred Duval a signé pas moins de 142 albums ces 25 dernières années. Avec Didier Cassegrain, il a sorti, en janvier 2019, l’adaptation du roman policier Nymphéas noirs de Michel Bussi. Salué par la critique, l’album a reçu en octobre l’Éléphant d’or du meilleur album au 43e Festival international de la bande dessinée de Chambéry.

Découvrez une interview inédite de Fred Duval

[L’invité] Fred Duval – « Qu’on reconnaisse le travail des auteurs »