Contes à rebours

Un léopard qui prend la pose, un ours qui parle et un poisson qui s’indigne : avec cette série d’histoires pour enfants, parue chez l’éditeur caennais Passage(s), Indrek Koff ravit aussi les parents.

" Le poisson le regardait… il ne sait même pas parler. Encore un machin sans intérêt. Un paquet de tissu. Un déchet quelconque. Moi qui espérais déjà qu’on allait pouvoir parler… Mais pourquoi est-ce qu’ils s’obstinent à jeter leur détritus dans la mer ? Ils n’ont donc pas de poubelles ? "

Indrek Koff est un écrivain estonien. Il est aussi traducteur du français (Lévi-Strauss, Houellebecq). Il a été invité lors de la 27e édition des Boréales, en 2018, pour Le jour où j’ai appris à voler. Classé dans la catégorie « jeunesse », cet ouvrage qui emprunte les chemins du conte, de la fable, du récit ou du dialogue, est loin d’être réservé au jeune public. Qui a lu Les Contes du chat perché de Marcel Aymé en trouvera ici un écho. Les animaux ont la parole – même ceux en peluche dans « Nounours » et « Petit Ours » – et les humains parfois s’en mêlent : Mme Guite, photographe dans « Le Poisson », les deux frères dans « Éric et Riquet », ou encore Ella, qui ne veut pas aller se coucher, en discussion avec sa mère dans « Ella et le monde ».

© Éditions Passage(s)

« Mais qu’est-ce qui se passerait si je n’allais pas dormir ?
– Dans ce cas, le monde pourrait se faner. Regarde bien autour de toi, un soir, tu verras que tout a l’air un peu fatigué : mais quand tu rouvres les yeux le lendemain matin, le monde est de nouveau tout beau tout neuf. »

Chaque texte propose une double lecture. Le registre un peu farfelu du monde des enfants où les animaux parlent et auxquels il arrive de drôles d’histoires. Il y a un léopard mannequin dans « Antoine », par exemple. En creux apparaît un second registre, qui fait émerger un questionnement. Par exemple, Antoine le léopard est maladroit (il rate ses proies), un peu petit pour l’espèce, mais finalement, les photos sont toujours belles. Les petites contrariétés sont compensées par des réussites. Dans « Petit Ours » est abordée la question des déchets, le poisson trouvant détestable que la mer soit un dépotoir.

Si le style s’apparente souvent à celui de la fable, il n’y a jamais de morale. Chaque histoire se termine sur un commentaire bienveillant, souvent assorti d’une ellipse. Le texte, ainsi, ne se referme pas, et laisse entrouverte la porte de l’imaginaire : le lecteur peut de la sorte inventer à l’infini de multiples suites possibles.

Ce petit recueil est finalement une proposition généreuse faite au lecteur pour développer sa propre créativité.

Dominique Panchèvre

Le jour où j’ai appris à voler - Indrek Koff, Passage(s), 2018. (traduit de l’estonien par Pascal Ollivry, illustré par Marion Undusk)

 

[Chronique] Le jour où j’ai appris à voler d’Indrek Koff